Des masses aux multitudes
Récupération de la Tour Bretagne par une communauté autonome de travailleurs
En construisant la Tour Bretagne de 1971 à 1976, Nantes suivait une logique claire : pendant que les industries disparaissaient et que la classe ouvrière se délitait, les m² de bureaux et le secteur du service devaient voir leur hégémonie grandir. Néanmoins, à la livraison, les trente glorieuses étaient terminées et les conglomérats projetés ne sont jamais venus s'installer. Restée une coquille vide depuis, la Tour a logiquement fermé en 2020. Ses plateaux ont été vendus par la ville à des promoteurs pour un désamiantage. Le marché pourra alors corriger la situation grâce à son fameux ‘’pragmatisme économique’’...
Face à l’abandon de ce symbole, une autre alternative sans aucun doute plus politique est proposée ici. Ce projet raconte l’histoire d’un basculement, celui d’un objet nantais iconique, comme celui d’une masse vers une multitude. On y proclame que la classe des travailleurs existe encore, même celle-ci fut, sans aucun doute, disloquée par l'ethos du capitalisme néo-libéral des dernières décennies. Par conséquent, plus que d'entretenir une certaine dialectique du système productif, il s'agit aussi et surtout de proposer un socle pour une certaine cohésion de classe.
Les vestiges de béton du passé et les poutres métalliques du présent s’entrechoquent alors pour accueillir une communauté autonome de 200 membres. Un réseau aux productions multiples se solidarise. Les habitants de la Tour deviennent copropriétaires de leurs espaces de travail, de leurs logements et de programmes collectifs : parlement, centre énergétique, plateforme logistique, unité agricole... Ces espaces entrelacés viennent se loger aussi bien dans la tour et les abris souverains de sa greffe, que dans le socle remanié et ses espaces typologiquement contraints. Ce projet s’emploie ainsi à détourner les conditions d’autonomie de la multitude dans un jeu d’équilibre entre mobilité individuelle et ancrage collectif.