Epicness
Au-delà de la Bigness et l'Emptiness
Ecrit en 1994, la Bigness, ‘‘théorème’’ manifeste de Rem Koolhaas et aboutissement d’un ensemble de réflexions sur le potentiel de l’architecture métropolitaine, annonçait l’absorption totale de l’environnement bâti au sein des logiques du capitalisme néo-libéral. La construction de grande échelle - agglomérat complexe et massif de programmes - devait devenir la forme ‘‘maximale’’ de l’architecture, le point culminant où elle abriterait le monde présent et le futur.
Aujourd’hui, la Bigness a changé de base théorique. La chape de plomb imposée par les 20 dernières années d’austérité économique a forcé les architectes à renouveler leur proposition. Les bâtiments de très grande taille continuent de proliférer. Néanmoins, l’économie des moyens devient l’occasion de ‘‘re-focaliser’’ l’architecture sur sa propre discipline - étude typologique, réduction de la matière, recherche structurelle. Sous l’impulsion d’agences comme Office KGSV et ses ‘‘boxes without content’’, l’Emptiness émerge alors. Il s’agit maintenant de créer les grandes boîtes cadrant un monde intérieur ‘‘neutre’’. L’Emptiness se détache donc de toute composante ‘‘impure’’ venant de l’extérieur, abandonnant toute influence réciproque sur les forces socio-économiques qui la mettent en mouvement, pour le meilleur et pour le pire ...
Plutôt que d’emprunter la voie du repli disciplinaire a-politique, nous proposerons, ici, une réelle théorie de l’anti-Bigness. Contre ce qu’elle considère être la résignation du théorème koolhassien, cette dernière s’affaire à détourner l’architecture de grande échelle, non pas dans l’objectif de perpétuer les structures de dominations du capitalisme, mais afin d’affirmer, au contraire, l’antagonisme du monde. Face au récit moderne du ‘‘tout fluide’’, il devient urgent de déclarer que le capitalisme entraîne inévitablement des divergences conflictuelles avec le réel et les individus qui l’habitent. Au-delà de la Bigness et l’Emptiness, se trouve alors l’Epicness.